Schopenhauer m’aide peut-être à avoir raison mais il ne m’aide certainement pas à vous expliquer ce que nous vivons ici. Nous avons déambulé dans les marchés de Lagos et ses 20 millions d’habitants, nous avons vu la fourmilière humaine, nous avons été assourdis par les klaxons, étouffés par la pollution, écœurés par les odeurs des fossés d’eau stagnante, véritables nids à malaria, dégoûtés par la vue de ces habitants, baissant leur pantalon jusqu’aux chevilles pour uriner sur les trottoirs, éclaboussés par les étendues de boue et de plastique en décomposition séparant les Bus d’une gare routière bondée de la taille d’une ville, apeurés par les enfants sans yeux, sans dents ou sans jambes vendant des gadgets aux carrefours, effrayés par les mendiants qui rampent entre les détritus à vos coté dans la rue… Tout cela je l’ai déjà vu et je le reverrai, j’y suis habitué, comme au fait que l’on m’appelle par ma couleur de peau lorsque je marche à vive allure dans les allées, entre marchants, taxis, brouettes, tuk-tuks et motos. Que cela soit Manille, Paris ou Lagos, quand la misère est concentrée à ce point, elle ne peut que sauter aux yeux et nous interroger sur notre définition du terme « évolution ». Tout cela mon appareil photo ne vous le montrera pas, ce qu’il vous montrera, c’est quand je rentre à l’hôtel et lis un livre à coté d’une piscine.