Voici encore un cliché fantastiquement parlant. Nous nous trouvons à Abuja au Nigéria lors de l’ouverture d’un « club privé », comprenez restaurant/bar haut de gamme réservé à tout ce qui a du pouvoir ou de l’argent. Ma position forte honorable d’époux blanc d’une diplomate française m’a valu tout naturellement une invitation en bonne et due forme pour cet opening où, disons-le, la présence d’Occidentaux est toujours bien appréciée. La raison pour laquelle je me trouve ici n’est pas mon intérêt pour ce club dans lequel je ne remettrai certainement jamais les pieds (2500€/ an/ personne), ni l’abondance de nourriture et de boissons gratuites toute l’après-midi, non, c’est simplement qu’on m’a informé que JETSKI il y avait!
J’ai appris à ne plus avoir d’état d’âme et à faire ce qui me plaisait, si on me le propose, que j’en ai envie et bien je prends, sans me poser plus de question que ça. Attendant impatiemment de pouvoir chevaucher l’engin j’ai donc d’abord dû passer par la case « figuration ». Placé à la table la plus visible du restaurant, juste à coté de l’animateur, avec 6 autres européens, nous avons donc assisté à un discours d’une demi-heure dans lequel la présence de représentants de l’ambassade de France, des Etats-unis et du Japon a été fortement appuyée et applaudie (la gêne occasionnée par ce genre de moment vaut bien son pesant de panaché gratuit). Auto-congratulation du directeur, prière générale pour la nation, puis explosions de confettis, voilà enfin le vrai « opening » marquant l’ouverture de l’accès aux jetskis.
Ni une ni deux, me voilà en bas à mettre en application toutes les informations que j’avais passé l’heure précédente à récolter entre 2 discours pour savoir quelle était la procédure pour faire du Jet. Seule et unique règle : mettre un gilet de sauvetage. Alors que les discours se finissent, que les gens se lèvent et explorent, et que l’ouverture est officielle, me voilà observé comme le premier client de tous les temps à inaugurer le jet-ski. Sous le regard des curieux et des appareils photo, je croise donc en un instant, un policier armé d’un AK47 et un plongeur en bouteille prêt à sauter toutes palmes déployées dans ce lac, dont la visibilité ne doit pas dépasser de beaucoup celle d’une flaque de mazout. Je suis donc dans un Disney-land africain, où une longue réflexion a poussé les propriétaires à penser qu’un tireur d’élite et un nageur équipé d’une bouteille de 25kg ont plus de chances de venir me secourir -si je tombe à l’eau- que n’importe quel homme en maillot sachant nager. Ce plongeur, harnaché comme un gladiateur sous le soleil allait donc rester sur ce quai 12h par jour tous les jours, attendant patiemment l’accident de jet qui lui permettra de réaliser au plus vite les 100m qui le sépare du corps inerte d’un de ces pilotes téméraires. Une fois encore, la situation paraîtrait burlesque, voir irréelle pour n’importe quel observateur extérieur, mais non tout cela est bien en train de se passer, preuve en est la seconde de lucidité de ma femme pour sortir l’appareil photo et m’immortaliser au milieu de Rambo et du commandant Cousteau juste avant ma mise à l’eau.
Ne vous y trompez pas, loin de moi l’idée de me moquer de ces 2 employés qui sont bien heureux d’avoir ce job qui leur permet certainement de nourrir une famille. Par contre permettez moi de m’amuser de la fierté de ces nouveaux propriétaires de restaurant qui misent sur l’émerveillement de leurs clients à avoir à disposition ce plongeur en équipement technique dont l’intérêt plus ostentatoire que sécuritaire a le dont de symboliser l’exotisme occidentale, puis-que croyez moi ou non, c’est bien de cela dont il est question.
Quitte à faire les chose autant bien les faire, j’aurais certainement du aller me plaindre au directeur faisant remarquer l’absence de sous-marin dans le cas où mon corps, coulé après mon expulsion du jetski soit trop lourd pour le seul plongeur. Nous nous serions certainement mis d’accord sur le fait qu’un scaphandrier équipé de poulies serait un bon intermédiaire. Je n’ai pas fait de remarques quant à l’AK47 par peur de vexer le dit policier, qui comme tout bon fonctionnaire, offre parfois ses services à d’humbles clubs privés dans le besoin.
À trop vouloir en faire, on finit par se perdre, je te souhaite une grande réussite petit club privé qui, une fois encore a réussi à me surprendre malgré une demie année déjà passée dans ton grand pays.